Les dames aiment le fard ?

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Albert Glatigny (1839-1873)

Albert Glatigny est un poète du XIX° siècle qui faisait partie d’une troupe de comédiens ambulants. Il écrivit des pièces de théâtre, mais aussi des poèmes. Il inspira Verlaine et Rimbaud. Et pourtant, il est tombé dans l’oubli. Le temps d’un instant, laissons le déclamer ces vers amoureux :

J’éprouve à suivre, ma petite,
Tes mouvements capricieux,
Un âcre plaisir qui m’irrite
Et me fait t’aimer encor mieux.

Rien n’est vrai dans ton gaspillage
De fins parfums et de couleurs,
Et tu voles au maquillage
Tes charmes les plus querelleurs.

Bien que je devine ta ruse,
Je ne t’en veux pas : sur ton front,
Malgré la couche de céruse,
Mes baisers nombreux descendront.

La pommade et les aromates
Te donnent l’éclat du métal,
Et ces pâleurs vives et mates
À l’effet charmant et brutal.

C’est par la poudre que, plus rousse,
Ta crinière épand ses parfums,
Et c’est le pinceau qui retrousse
Tes sourcils bizarres et bruns.

Dans une pâte rose tendre,
J’ai vu, sur ton visage aimé,
Tes carmins provocants s’étendre
Suivant leur ordre accoutumé.

Une légère tache d’ombre
Autour de tes yeux vient bleuir,
Afin que ta prunelle sombre
Puisse mieux briller et s’enfuir.

Pas un endroit qui par le plâtre
Sur ta face ne soit atteint,
Et tes lèvres que j’idolâtre,
C’est le vinaigre qui les teint.

Je t’aime ainsi, c’est mon idée,
Pour ta beauté faite de soins ;
Si je te voyais moins fardée.
Sans doute tu me plairais moins.

Qu’importe qu’elle soit factice,
Pourvu que, bien harmonieux,
Son assemblage retentisse,
Chant et lumière pour les yeux?

Elle est pareille à nos ivresses,
Cette beauté qui trompe et ment,
À nos artistiques caresses
Qui dérobent un bâillement,

Ah! lorsque nous sommes ensemble
À la recherche du plaisir,
À cette heure où la bouche tremble
Et s’empourpre aux feux du désir;

Lorsque nous mettons à sa place,
Pour mieux nous abuser encor,
Notre caprice qui se glace,
Ainsi qu’on installe un décor;

Les amants dont l’insouciance
Court par les chemins non frayés,
Devant notre froide science,
S’arrêteraient, tout effrayés.

Notre prudente mise en scène
Épouvanterait ces enfants,
Dont la lèvre amoureuse et saine
À des baisers si triomphants.

Ah! c’est qu’ils comprennent la vie
D’une autre manière que nous.
N’en rions pas. Je les envie
Souvent en baisant tes genoux.

Ô mon indolente poupée!
N’en rions pas, car bien des fois
Ma pauvre âme s’est échappée
De mon corps pour les suivre au bois;

Pour les voir effeuiller des roses
Sur leurs fronts confiants et frais,
Pour entendre ces folles choses
Que nous ne nous dirons jamais!

Puis, honteux de mon impuissance,
Près de toi je suis revenu
Demander à la jouissance
Ce qu’elle a de plus inconnu;

Et, dans les parfums où se noie
Ton beau corps ivre de langueur,
Chercher le faux semblant de joie
Que je ne veux pas de ton cœur! 

Mona pas besoin de fard pour être la plus belle et pour aller danser

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