Je l’aime Bécu

Louis XV aimait son Bécu à la Jeanne
Louis XV aimait son Bécu à la Jeanne

plaisir-roiJeanne Bécu fut découverte par le Comte Jean du Barry. Il en fit la favorite de Louis XV sous le nom de Madame du Barry. Il faut dire que le Toulousain s’y connaissait en femmes. Pour assurer son train de vie parisien, il louait les services de jeunes beautés aux puissants de son temps.

Philippe Hugon a choisi d’écrire les Mémoires de ce jouisseur. Le livre très bien documenté, écrit dans un style de l’époque est un plaisir pour les amateurs de cette période de notre histoire. Ce texte se déguste. Et je dois vous dire que je lisais peu chaque jour de peur de quitter trop vite la vie de ces personnages hors-normes. Pour vous mettre en appétit, voici un extrait. Jean du Barry rencontre pour la première fois celle qui partagera la vie du Roi.

Dans un coin de la pièce, près d’une fenêtre, une jeune femme très blonde était assise, contemplant d’un œil bleu et distrait le manège des habitués de la maison. On eût dit qu’elle était au Procope plutôt qu’au bordel. Son visage respirait une candeur sans affectation, de celle qui plaide la vertu mais qui plaît tant au vice. En m’approchant, je pus constater que le détail valait largement la vue d’ensemble. À une seule, la nature avait octroyé la grâce qu’elle partage habituellement entre dix autres. Des yeux bleu clair, transparent mais profond, un nez fin et droit, une petite bouche aux lèvres vermillon, un teint d’une blancheur irréprochable, une gorge à perdre son sang-froid : tout était dessiné à la perfection. Un ange tombé du ciel. Je ne croyais pas si bien dire car la Gourdan me prévint qu’on appelait cette beauté Mlle l’Ange. Ça ne s’invente pas. Elle avait dans les vingt ans et était venue escortée d’un loustic qui se présentait comme son frère. Même un aveugle ne les aurait pas crus du même sang. Ce fut d’abord à lui que la Gourdan me présenta. Je compris vite qu’il désirait jouer l’entremetteur des charmes de la belle : je demandai sans détour combien il voulait de sa prétendue sœur. Il campa le surpris, mais comme je le toisais avec insistance, ce misérable maquereau proposa trois louis du bout des lèvres : cet âne ne savait pas quel joyau il bradait.
J’acceptai et le payai avant qu’il ne s’esquivât après avoir murmuré quelques paroles à l’oreille de sa sœur de comédie. La jeune femme ne répondit pas. Et ce fut toujours silencieuse qu’elle m’accompagna dans ma voiture pour se rendre chez moi. Tout au long du chemin, nous n’échangeâmes pas le moindre mot. Arrivé à ma porte, j’entendis enfin sa voix : elle me confia se prénommer Jeanne.

Mona, ce livre, je vous l’offre. Sentimental comme vous êtes, vous ne pourrez que le dévorer. En attendant, buvons un coup. Que diriez-vous de l’Aligoté 2012 de Sylvain Pataille à Marsannay ? Ce cépage trop longtemps oublié a retrouvé grâce auprès des Bourguignons. Un très joli vin pour un apéritif de printemps. Bravo Sylvain !

Saints et millions

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Décidément Isabelle Saporta quand elle parle de ce que nous ingurgitons, elle n’y va pas avec le dos de la cuillère. Rappelez-vous le Livre Noir de l’Agriculture. Rien qu’en le lisant vous pouviez perdre un max de poids. Après que je l’aie lu, moi c’est bien simple, que de gens ne me reconnaissaient plus. Ils pensaient que j’étais mannequin, genre porte-manteau anorexique chez Karl Lagerfeld, et que je partais pour un défilé tellement je faisais pitié. Il faut dire que je ne savais plus quoi mettre dans mon assiette et chaque plat me donnait la nausée.

Isabelle, dans son nouvel ouvrage, elle s’en prend au monde du vin. Et ça dégomme sec surtout dans la région de Saint–Emilion. Un gars comme Hubert de Bouard, il doit se dire qu’il sent le gaz, que les gens lui en veulent, qu’il est le mal-aimé. Il se fait bombarder au fil des pages à tel point qu’il doit avoir le bourdon à L’Angélus. Elle raconte par le détail les péripéties autour du dernier classement des vins de cette belle commune de Gironde dont le vignoble est classé au patrimoine de l’Unesco. A lire, on se dit que les choses n’ont pas été menées avec une grande impartialité et que tout a été fait surtout pour obtenir le classement de sa propriété en haut de l’affiche. Bon vous me direz, la journaliste n’a peut-être pas relaté les faits correctement. Dans ce cas, il est difficile d’imaginer que Monsieur de Bouard ne porte plainte car la charge à son endroit est vraiment lourde… Qui vivra verra !

Quand on visite Saint-Emilion, on est ébloui par la beauté des lieux. Tout dans cette appellation semble ordonné comme des rangs de vignes. Tout semble harmonie. Mais si on en croit l’auteur, cette tranquillité est troublée par des tirs genre Tontons Flingueurs comme si tout le monde ne s’aimait pas dans ce monde de gentlemen farmers. Fâcheux, non ?

Si le vin vous intéresse, je vous invite à lire sans attendre ce brulôt. C’est comme un roman policier. Quand vous aurez mis le nez dedans, difficile de s’arrêter ! Et vous ferez comme moi ; vous passerez une partie de la nuit à voyager en Bordelais, Champagne, Chine… mais ce sont surtout Pomerol et Saint-Emilion qui se partagent la vedette. Coté acteurs, Christian Moueix, Jean-Luc Thunevin, Stéphane Derenoncourt, Jean-François Quenin sont les vedettes de cette tranche de vie sans oublier les traitements phytosanitaires.

Mona souri encore une fois grâce à Pierre Lurton.

Lire sans lunette ?

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Vous savez bien que je lis aux toilettes. Cette occupation est certes plutôt masculine mais c’est comme ça, et ça ne m’empêche d’être tellement féminine et séduisante que je vous imagine, mes petits gars, bavant comme un bouledogue devant sa maîtresse en train de ficeler le rosbeef avant de l’enfourner. Bandes de cochons !

Bon je suis comme 90% des Français et je suis pas bien lorsque j’oublie mon livre avant de m’isoler dans un petit coin où personne ne peut vous remplacer. Heureusement, un écrivain Japonais Koji Suzuki a eu la bonne idée de publier un de ses plus grands succès sur rouleau de papier toilette. Quel pied ! Vous rentrez aux cagoinces et vous pouvez reprendre votre lecture (en english only) là où vous êtes arrêté la veille. Pour gérer au mieux, je lis le nombre de feuilles que j’utiliserai pour nettoyer mon mignon croupion.
Mais j’ai eu un problème l’autre jour car j’ai reçu récemment un gigolo qui a trempé son biscuit dans ma tirelire à moustaches. Comme une sotte, j’avais omis de retirer le précieux rouleau et le gonze, au matin avant de quitter définitivement ma piaule, est allé se soulager avant moi et a utilisé un nombre de feuilles incalculable. Par le fait, il m’a privée de presque un chapitre entier. Med’alors, il ne me reste plus qu’à racheter un rouleau et retrouver l’endroit où j’en étais.  

Mona envie d’un rouleau de printemps ! Curieux, non ?

Victor se lâche

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Bon, ben, chose promise, chose due. Je fais référence à l’article du 17 courant. Nous commençons avec Totor qui, répondant à l’appel de George, livra ces vers scatologiques. Bon, je vous ai prévenu, c’est graveleux. Ames sensibles abstenez-vous. Pour les autres, ceux qui veulent découvrir, je vous recommande chaudement de ne pas lire ce poème en mangeant.

 Ode à la Merde

Lorsqu’après un repas l’estomac vous tiraille,
Que tout au fond de vous le haricot travaille…
Qu’il est doux de penser que bientôt, pas très loin,
Vous courrez prestement pour chier dans un coin.
Qu’on est bien, accroupi, les coudes sur les cuisses,
Tandis qu’environné d’une troupe de Suisses
On exhibe au grand air l’hémisphère dodu
Qui cache encore aux yeux le chef-d’œuvre attendu.
Ami ! Il est, dit-on, un art en toute chose,
Aussi bien à chier qu’à cultiver les roses.
Or donc, pour opérer avec discernement,
Gardez-vous qu’un papier ne vienne absurdement
Lorsque l’œuvre est parfaite, écraser l’accessoire.
Tss ! Tss ! Pas de papier si vous voulez m’en croire,
Laissez aux constipés ce procédé piteux
Qui gâche absolument un plaisir si juteux,
Que le bout de l’index, seul, fasse cet office.
Quand il aura touché trois fois votre orifice
Qui vient de s’entrouvrir comme une tendre fleur,
Il teindra votre doigt d’une étrange couleur.
Ami, si vous voulez encor’ goûter des charmes,
Sur la blanche muraille, esquissez quelques larmes.
Et si, par aventure, abondant est l’extrait,
De celle que vous aimez vous ferez le portrait.

Alors ? Vos impressions ? Quant à moi malgré les conseils souvent avisés de Victor, je ne m’aventurerai pas à négliger le papier quitte à passer pour une vieille ringarde.

Mona toujours les doigts propres. Merde alors !

La guerre des vins

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Benoist Simmat n’est pas inconnu pour les fidèles lecteurs épicuriens que vous êtes. Dans ce journal, je vous ai présenté deux bandes dessinées dont Benoist est le scénariste : Robert Parker, les sept péchés capiteux et Les caves du CAC 40.

1372814Avec Aymeric Mantoux, il brosse un compte rendu de voyage autour du monde à la rencontre des vignobles et des nouveaux lieux de consommation du vin. Cette tournée (générale ?) est fort intéressante et je pense qu’aussi bien les amateurs que les professionnels pourront méditer sur les bouleversements qui se sont opérés au cours des dernières années et de la révolution qui se déroule sous nos yeux. Certes la mondialisation a mis en avant des vins mêlant puissance, alcool, bois, mais il y a de plus en plus de place pour des vins de terroir, minéraux et plus subtils. Les consommateurs apprennent et s’éduquent dans le monde entier. A Tokyo comme à Barcelone, on trouve des lieux où la diversité des vins français est défendue. A Paris et même à Bordeaux, on trouve de plus en plus de bars à vins qui font découvrir et apprécier tant de crus inconnus.

Dans leur épilogue de la Guerre des Vins, les auteurs soulignent que les vins français sont considérés comme des œuvres d’art et que les faiseurs du nouveau monde ne rêvent que de les copier.

« Malgré l’argent, le marketing et le reste, il faudra plusieurs siècles pour que des vins d’ailleurs puissent véritablement rivaliser avec les nôtres (vins français). Le distinguo s’opérera toujours, comme en peinture on sépare les toiles du maître de celles de son atelier. […] Il y a ainsi une chose que les Australiens –dont le vignoble est  en faillite- ont appris récemment à leurs dépens : le vin, ce n’est pas qu’une étiquette, c’est aussi du rêve, un terroir.
Dans la guerre des vins, c’est l’arme absolue. Il ne tient qu’aux Français de continuer à le faire parler. »

Un seul mot : Bravo.

Bon Mona, je vous invite à déguster un de ces vins au caractère bien trempé. Les Choisilles 2007 de François Chidaine, un fabuleux Montlouis sec aux nez d’agrumes et si minéral en bouche. Un régal et un modèle de Chenin.

Rêve parti ?

Nous avons déjà eu l’occasion de parler, dans ces lignes, de l’Almanach des Gourmands publié de 1803 à 1810 par Grimod de la Reynière, célèbre gastronome et célèbre excentrique.
Très vite ce journal devint culte et fut même réédité en 1828 sous la direction de son génial fondateur.

Deux ans plus tard, Paul Lacroix, connu sous le pseudonyme du Bibliophile Jacob, lance le premier numéro du Gastronome, journal universel du goût rédigé par une société d’hommes de bouche et d’hommes de lettres qui veulent unir gastronomie et littérature.

La publication ne durera qu’un peu plus d’un an malgré des signatures comme Théophile Gautier ou Gérard de Nerval (excusez du peu)..

Plusieurs tentatives pour relancer la revue ne dureront pas. Charles Monselet en fut notamment directeur en 1858.

Voici un texte bien étrange signé Gérard de Nerval tiré d’un numéro de 1831 :

Cauchemar  d’un mangeur

On ne croit plus aux histoires de revenants, et on a bien tort. Les époques de crise et de révolution sont ordinairement celles que ces messieurs choisissent pour remettre en question les plus simples idées du rationalisme et de l’incrédulité philosophique ; je veux vous citer un exemple étrange de terreur phénoménale et de digestion troublée, un véritable type d’aventures à caverne et de dîners malsonnants d’auberge. On peut croire à mon conte, je le tiens d’un Périgourdin.
Invité à une partie de chasse dans un vieux château près de Limoges, et naturellement peureux, il avait commencé par raffermir sa conscience de gentilhomme et son caractère de fier-à-bras contre les incidents nocturnes, au moyen d’une séance infiniment prolongée devant la table séculaire de son hôte ; après quoi il s’était couché, un peu lourd, mais fort intrépide. Il avait du cœur au ventre.
Pour la vérité de la chronique, nous devons dire que sa situation était très délicate et prêtait merveilleusement aux pressentiments les plus sombres. Il recevait pour gîte une  chambre où un Chouan était mort de ses blessures ; vous concevez quel champ ouvert à une craintive imagination ! Aussi,  notre  Périgourdin  craignit beaucoup en mettant son bonnet de nuit. Les murs étaient hauts et d’un gris repoussant ; des portraits noircis par la fumée en décoraient de façon sinistre les tapisseries et l’alcôve. On y voyait un lit en vieux damas, avec un ciel assez élevé pour orner un lit de parade, et puis quantité de pièces massives d’un antique ameublement. Il roula en tremblant devant le foyer un  énorme fauteuil ; n’osant se coucher, il s’assit en fixant les yeux sur la flamme et en attisant le feu, tandis que son esprit, visiblement inquiet, s’efforçait de ne penser qu’à l’œuvre digestive pour chasser toute autre préoccupation. Ce fut cela même qui le perdit. Le brave s’assoupit bientôt. Mais, soit réalité, soit illusion, il ne tarda pas à être en proie à la plus effrayante des songeries. Un souper et un dîner perfides se réunirent pour conspirer sans pudeur aucune contre le repos du Périgourdin. D’abord, il fut galopé par un succulent gigot de mouton qui talonnait de sa queue festonnée son dos trop tardif et ses jambes paralysées de terreur. Puis vint un pâté de lièvre, fantôme au front cornu, qui appuyait avec un rire amer sa main de plomb sur son estomac ; le croupion d’un chapon lui suggérait mille idées saugrenues, et une diablesse de cuisse de dinde se remuait sans cesse devant ses yeux écarquillés d’effroi, en affectant de revêtir les formes le plus infernales. Ce n’était pas tout ; une série indéfinissable de saucisses, entortillant ses membres avec une ténacité surnaturelle, semblaient vouloir venger, par un étranglement nouveau, la famille entière des boudins des mépris héréditaires du gentilhomme. Enfin, pour combler la mesure de ces cabalistiques inventions, une cuillère à pot, individu grêle et fantastique, venait par intervalle se pendre en dansant à son nez, comme le bec goulu de certains canards dont parle Pigault-Lebrun[1]. À ce dernier trait de la malice des êtres malfaisants, le pauvre chasseur ne résista plus ; et craignant à bon droit de perdre dans un rêve ce qui fait de la vie un si beau songe, il se réveilla en sursaut, empoignant avec vigueur l’indiscrète cuillère.
C’était sa pipe.

Bon Mona, ces grands auteurs me donnent envie de classicisme. Si vous daignez sortir deux verres, je vous sers un Château Haut-Marbuzet 2007. Bien que dans un « petit millésime », ce vin de Saint-Estèphe est un réel plaisir pour les sens d’un épicurien. Un vin à faire des rêves et non des cauchemars.


[1] Charles-Antoine Pigault-Lebrun (1753-1835), auteur de comédies à succès et de romans de veine anticléricale et licencieuse

Pendentif sur pare-chocs

Le 14 février, les amoureux ont fêté Saint Valentin. Je vous ai déjà dit que je n’ai pas de jaloux qui ait pris un bail à long terme dans mon plumard. Aussi je ne me suis pas sentie concernée par cette journée. Mon dernier gigolo était bijoutier. Mais quand il m’a offert le pendentif kitch avec la fameuse phrase qui fait fondre les cœurs des midinettes (+ qu’hier, – que demain) en me demandant ma main et tout le reste, je suis partie en courant. Et en plus, Alain Solant, joaillier, n’avait pas du user ses culottes à l’école. Je vous laisse juge en jetant la photo de ce bijou devant vos yeux effarés .


Mais je ne suis pas là pour étaler ma vie.

Revenons donc à la culture. N’oublions pas que ce blog lui est entièrement dédié. Oserai-je ajouter que ma vie même lui est consacrée. Et tout çà pour vous, mes petits chéris. Si, si !!!
C’est en pensant à vous, assoiffés de savoir, que je me suis posé la question : cette phrase qui trône sur tant de tétonnières affriolantes, signe de l’amour indestructible qui les unit à leur Jules, qui l’a écrite ?

C’est une poétesse oubliée.
Louise-Rose-Étiennette Gérard, dite Rosemonde Gérard (1866-1953) fut la femme d’Edmond Rostand. Pour son mari, elle accepte d’être dans l’ombre. Pourtant, on murmure que c’est elle qui lui donna la trame de Cyrano de Bergerac. Et puis, ses poèmes enchantèrent son époque.

Aussi, j’ai le grand plaisir de vous livrer in extenso le poème «L’éternelle chanson» dans lequel est glissée la phrase qui est couchée sur tant de paires de glandes mammaires de toutes tailles et de toutes formes.

Allez , sortez vos mouchoirs et régalez-vous

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s’ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos cœurs en fête,
Nous nous croirons encore de jeunes amoureux,
Et je te sourirai tout en branlant la tête,
Et nous ferons un couple adorable de vieux.
Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants,
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.

Sur notre banc ami, tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d’autrefois nous reviendrons causer,
Nous aurons une joie attendrie et très douce,
La phrase finissant toujours par un baiser.
Combien de fois jadis j’ai pu dire « Je t’aime » ?
Alors avec grand soin nous le recompterons.
Nous nous ressouviendrons de mille choses, même
De petits riens exquis dont nous radoterons.
Un rayon descendra, d’une caresse douce,
Parmi nos cheveux blancs, tout rose, se poser,
Quand sur notre vieux banc tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d’autrefois nous reviendrons causer.

Et comme chaque jour je t’aime davantage,
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain,
Qu’importeront alors les rides du visage ?
Mon amour se fera plus grave et serein.
Songe que tous les jours des souvenirs s’entassent,
Mes souvenirs à moi seront aussi les tiens.
Ces communs souvenirs toujours plus nous enlacent
Et sans cesse entre nous tissent d’autres liens.
C’est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l’âge,
Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main
Car vois-tu chaque jour je t’aime davantage,
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain. 

Et de ce cher amour qui passe comme un rêve,
Je veux tout conserver dans le fond de mon cœur,
Retenir s’il se peut l’impression trop brève
Pour la ressavourer plus tard avec lenteur.
J’enfouis tout ce qui vient de lui comme un avare,
Thésaurisant avec ardeur pour mes vieux jours ;
Je serai riche alors d’une richesse rare
J’aurai gardé tout l’or de mes jeunes amours !
Ainsi de ce passé de bonheur qui s’achève,
Ma mémoire parfois me rendra la douceur ;
Et de ce cher amour qui passe comme un rêve
J’aurai tout conservé dans le fond de mon cœur.

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille, 
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs, 
Au mois de mai, dans le jardin qui s’ensoleille, 
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants. 
Comme le renouveau mettra nos cœurs en fête, 
Nous nous croirons encore aux jours heureux d’antan, 
Et je te sourirai tout en branlant la tête 
Et tu me parleras d’amour en chevrotant. 
Nous nous regarderons, assis sous notre treille, 
Avec de petits yeux attendris et brillants, 
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille 
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs. 

Mona pleuré à chaudes larmes. Pas vous ?

Je boa à votre santé !

Le boa n'est pas toujours triste au fond du corps

Maurice Donnay (1859-1945) est un auteur de pièces de boulevard qui remporta un immense succès.  Il fut reçu à l’Académie Française en 1901. Et pourtant à ses débuts, il fut chansonnier et composa avec Alphonse Allais des chansons pleines d’humour qui ravirent le public du célèbre cabaret Le Chat Noir. La plus célèbre fut :

 Le Serpent et le Cor de Chasse

Un jour, un grand serpent, trouvant un cor de chasse,
Pénétra dans le pavillon ;
Et comme il n’avait pas beaucoup de place,
Dans l’instrument le reptile se tasse.
Mais terrible punition !
Quand il voulut revoir le grand air et l’espace
Et la vierge forêt au magique décor,
Il eut beau tenter maint effort,
Il ne pouvait sortir du cor,
Le pauvre boa constrictor ;
Et, pâle, il attendit la mort.

Moralité
Dieu ! Comme le boa est triste au fond du cor !

Dans la vie, il aimait à lancer quelques bons mots :

  • Il trompait tellement sa maîtresse qu’on pouvait penser qu’elle était sa femme légitime.
  • Il y a tant de femmes qui le lendemain de leur mariage, sont veuves du mari qu’elles avaient imaginé.
  • Si les femmes entraient à l’Académie, le dictionnaire lui-même ne saurait plus placer un mot.

Sacré Maurice, à force de rire, il m’a donné soif. Pas vous ma p’tite Mona ?
A la bonne heure, nous allons déguster un vin explosif : Le Muscat du Domaine Kurubis, « Soltane » 2008. Un vin tunisien riche, fruité et qui laisse une bouche fraîche. Que du bonheur !

Un homme de lard

La lecture du Satyricon nous renseigne sur la vie décadente des Romains. On y partage notamment le festin de Trimalcion. Esclave affranchi par son maître et ayant hérité de sa fortune, il est assez vulgaire. Il mène grand train et aime s’entourer d’une cour d’esclaves affranchis comme lui, qui rit et applaudit à toutes ses frasques. Ainsi, au cours de ce fameux banquet, après avoir servi moult plats, il demande à Gaius, son cuisinier, de préparer au plus vite un cochon. En quelques minutes, le porc est sur la table :

La compagnie aussitôt de se récrier sur la diligence du cuisinier ; chacun jurait qu’il aurait fallu plus de temps à un autre pour cuire un poulet ; et ce qui augmentait encore notre surprise, c’est que ce cochon nous paraissait beaucoup plus gros que le sanglier qu’on nous avait servi un peu auparavant. Cependant, Trimalcion l’examinant avec une attention toujours croissante :

– Que vois-je ? dit-il ; ce porc n’est pas vidé ! Non, certes, il ne l’est pas. Courez, et faites-moi venir ici le cuisinier.

Le pauvre diable s’approche de la table, et, en tremblant, confesse qu’il l’a oublié.

– Comment, oublié ! s’écrie Trimalcion en fureur. Ne dirait-on pas, à l’entendre, qu’il a seulement négligé de l’assaisonner de poivre et de cumin ? Allons, drôle, habit bas !

Aussitôt le coupable est dépouillé de ses vêtements et placé entre deux bourreaux. Sa mine triste et piteuse attendrit l’assemblée, et chacun s’empresse d’implorer sa grâce :
– Ce n’est pas, disait-on, la première fois que pareille chose arrive ; veuillez, nous vous en prions, lui pardonner pour aujourd’hui ; mais, si jamais il y retombe, personne de nous n’intercédera en sa faveur.

Trimalcion se dérida tout à coup :
– Eh bien ! lui dit-il en riant, puisque tu as si peu de mémoire, vide à l’instant ce porc devant nous.

Le cuisinier remet sa tunique, se saisit d’un couteau, et, d’une main tremblante, ouvre en plusieurs endroits le ventre de l’animal. Soudain, entraînés par leur propre poids, des monceaux de boudins et de saucisses se font jour à travers ces ouvertures qu’ils élargissent en sortant.
À la vue de ce prodige inattendu, tous les esclaves d’applaudir et de s’écrier : Vive Gaius ! Le cuisinier eut l’honneur de boire en notre présence ; de plus, il reçut une couronne d’argent.

Bon Mona, çà donne faim et soif. J’ai choisi un vin de Rully. Cécile et Vincent Dureuil ont réussi un grand vin avec ce 1er cru 2009. Un fruit magnifique et une trame d’une finesse à rendre jaloux une fille lors d’un défilé de mode…

Un livre qui fera des Degas

Sans moi, Topor n'aurait jamais écrit ce livre

Hilarant ! Les Mémoires d’un vieux con de Topor sont un régal. L’auteur anonyme de cette tranche d’histoire de l’art qui couvre la fin du XIXème et une bonne partie du XXème siècle, est un artiste peintre qui est à l’origine de tous les mouvements qui ont germé au cours de cette période. On rencontre tous les grands qui doivent tant à l’auteur. Et pourtant, son génie a été oublié. Un livre de 150 pages que vous dévorerez.

Je les ai tous connus, tous! […] C’est moi qui leur ai donné leurs meilleures idées, moi qui leur ai montré le chemin de l’Art moderne. Ils se sont contentés de suivre la voie tracée par mon Œuvre. Un homme peut incarner l’Histoire. J’ai été cet homme-là pour l’histoire de l’art. L’aveu me coûte, car il peut passer pour celui d’un cuistre ou d’un vaniteux. Ce n’est pas le cas. J’aurais préféré me taire et que d’autres reconnaissent mes mérites. Hélas! Ils confondent tout. Leur myopie est telle qu’ils ne distinguent même pas le vrai du faux, le génial du poussif. À la fin, j’étouffe et je crie la vérité pour qu’elle ne me tue pas. Je suis celui par lequel le scandale est arrivé. C’est moi qui ai tout changé. Pourquoi? Parce que tel était mon bon plaisir. Parce que je voulais laisser une empreinte indélébile dans la mémoire des hommes. On a cru acheter mon silence en m’offrant de l’argent. Beaucoup d’argent. Mais je ne me tairai pas. Je trouve insuffisant le pont d’or sous lequel on a tenté de m’enterrer. Et puis j’ai besoin de me venger. Oh! je n’ai pas à me plaindre! On m’a fait la vie belle. Ma colère vient d’ailleurs. Et d’abord de la médiocrité de mes contemporains! En rédigeant ces Mémoires, les noms des plus fameux viennent au fil de ma plume et j’entends d’ici les exclamations de surprise, les cris d’admiration!  Quelle farce! Je les ai tous connus. Et alors? Et après? Ils étaient pour la plupart mesquins, vaniteux, terriblement intéressés, sans scrupule, immoraux, bluffeurs, prétentieux, aigris, ratés. Ils m’ont tout volé. Même ce que je ne possédais pas.

Mona peint les plus belles œuvres du siècle en pensant à vous. En un mot çà ma muse !